04 Nov 2023

Service public de la petite enfance (SPPE) – Art 10, Art 10bis – Où en sommes-nous début nombre 2023 ?

Le contexte

  • Construire le service public de la petite enfance (SPPE) était une des promesses du programme électoral 2022 du Président Macron ;

« Pour toutes les familles, nous garantirons un droit à l’accueil de leur jeune enfant, jusqu’à son entrée à l’école maternelle, à un prix raisonnable et similaire quel que soit le mode d’accueil. » (E. Macron, 2022)

  • L’ambition du SPPE est rappelée dans le rapport de la concertation territoriale sur le Service Public de la Petite Enfance :

« Permettre à chaque famille de disposer d’une place d’accueil de qualité pour son enfant, de son choix, partout sur le territoire, à un coût raisonnable » (source : Rapport de la concertation territoriale sur le Service Public de la Petite Enfance. Isabelle Laithier, rapporteuse générale de la concertation. Mai 2023)

Le SPPE est ainsi une suite naturelle aux actions lancées dès 2021 par le gouvernement :

  • La réforme des services aux familles, initiée par l’ordonnance du 19 mai 2021, qui a construit un premier cadre de qualité d’accueil : force obligatoire donnée à la charte nationale pour l’accueil du jeune enfant, référentiel d’aménagement intérieur des crèches, création du référent santé et accueil inclusif, extérieur obligatoire…
  • L’inscription de la définition de la maltraitance dans le code de l’action sociale et des familles (loi du 7 février 2022),

Le tout sur fond de remaniement ministériel et de lynchage médiatique du secteur privé, largement entretenu par Madame La Ministre Bergé.

Les premières traductions législatives de la mise en œuvre du SPPE se trouvent dans la loi sur le plein emploi, débattue depuis septembre 2023 tant à l’assemblée Nationale qu’au Sénat.

La loi sur le plein emploi

La loi sur le plein emploi, en son article 10, fut une des premières mesures législatives pour la mise en œuvre des recommandations du rapport de la concertation sur le SPPE.

Toute la profession s’était réjouie qu’enfin l’importance du rôle de l’accueil de petite enfance soit reconnue à sa juste dimension, dans l’objectif d’atteinte du plein emploi : pas de solution d’accueil, pas de plein emploi.

150 000 personnes sont empêchées de reprendre un travail en l’absence d’une solution d’accueil (Jean Christophe Combe, ancien ministre de la santé)

Une des mesures phares de l’article 10 : les communes deviennent « Autorités Organisatrices » et se voient confier, notamment, toute la gestion prospective des solutions d’accueil, sur leur territoire : inventaire de l’existant, définition des besoins, validation des projets de créations de crèches…

Vaste programme et immense responsabilités dévolue aux communes qui, pour beaucoup, sans doute, n’en demandaient pas tant.

Coup de tonnerre ! Le 4 octobre 2023, une coalition RN, NUPES et LR vote un amendement qui supprime l’article 10. Nos députés, cependant, votent un amendement « passager clandestin », l’article 10bis, qui contient toute une série de mesures coercitives et punitives.

Consternation ! Sans l’article 10, l’article 10bis a peu de sens, d’autant qu’il se réfère à un article 10 qui n’existe plus ! Bizarreries parlementaires.

Il faut sauver le soldat SPPE

Une commission mixte paritaire retravaille ces textes. Elle aboutit le 30 octobre 2023 au :

TEXTE ÉLABORÉ PAR LA COMMISSION MIXTE PARITAIRE

Annexe au Rapport

Projet de loi sur le plein emploi

Ce texte repassera devant l’Assemblée Nationale en novembre 2023. Il sera sans doute adopté en l’état, avec côtes à côtes, les article 10 et 10 bis.

L’article 10

La responsabilité des communes en tant qu’Autorité Organisatrice est maintenue et définie. Les missions sont précisées. Elles dépendent de la taille de la commune :

  • Toutes les communes doivent :
    • Recenser les besoins et les modes d’accueil : compétence 1
    • Informer et accompagner : compétence 2
  • Les communes de plus de 3500 habitants doivent :
    • Planifier le développement des modes d’accueil : compétence 3
    • Soutenir la qualité des modes d’accueil : compétence 4
  • Les communes de plus de 10 000 habitants doivent :
    • Établir et mettre en œuvre le schéma pluriannuel de maintien et de développement de l’offre d’accueil du jeune enfant
    • Mettre en place les Relais Petite Enfance pour informer et accompagner (compétence 2) mais aussi pour soutenir la qualité des modes d’accueil (compétence 4)

Étant précisé que le schéma pluriannuel de maintien et de développement de l’offre d’accueil du jeune enfant doit être compatible avec le schéma départemental des services aux familles, conçu par le comité départemental des services aux familles crée par l’article L214-5 du Code de la Santé.

Rappelons que le Comité Départemental des Services aux Familles est une « instance de réflexion, de conseil, de proposition et de suivi concernant toutes questions relatives à l’organisation, au fonctionnement, au maintien et au développement des services aux familles ». Article L214-5.

La composition du Comité est fixée par voie règlementaire. Il comprend, notamment, des représentants des collectivités territoriales, des services de l’État, des CAF et d’associations, de gestionnaires et de professionnels concernés par les services aux familles, ainsi que des représentants d’usagers et des représentants des particuliers employeurs. Article L214-5.

L’article 10bis

Cet article avait été ajouté par le gouvernement par un amendement avant le vote du 4 octobre. Il constitue, pour l’essentiel, un volant répressif et de contrôle qui, dans sa première version, visait directement et exclusivement le secteur privé. On a du mal à comprendre.

La commission mixte parlementaire a veillé à rétablir l’équilibre et a rajouté 3 petits mots à l’article L 22324-1 du Code de la Santé Publique, 3 petits mots qui changent beaucoup de choses :

Article L2324-1

Si elles ne sont pas soumises à un régime d’autorisation en vertu d’une autre disposition législative, la création, l’extension et la transformation des établissements et services gérés par une personne physique ou morale de droit privé ou de droit public…

Le liste des mesures est impressionnante :

  • La création d’une crèche privée doit, avant d’être examinée par la PMI, recevoir un avis favorable de l’autorité organisatrice. Il est précisé que « l’avis est rendu au regard des besoins recensés sur son territoire »
  • L’autorisation d’exploitation d’une crèche, privée ou publique, est donnée pour une durée de 15 ans.
    • La procédure de renouvellement sera mise en place au plus tard avant le 1° janvier 2035 pour les établissements existants.
    • « Les conditions dans lesquelles les règles relatives à l’aménagement et aux locaux de ces établissements… s’appliquent, sont fixées par décret »
  • En cas de cession d’une crèche ou d’un réseau, le Président du Conseil Départemental, et non plus l’autorité organisatrice, vérifie que l’acheteur « présente les garanties nécessaires pour gérer l’établissement ou le service, notamment en ce qui concerne la capacité d’accueil ou de service ».
  • Les crèches, privées et publiques, «font l’objet, tous les 5 ans, d’une évaluation sur le fondement des référentiels » (qui restent à concevoir)
  • Les contrôles peuvent être diligentés à de nombreux niveaux :
    • Le président du conseil départemental contrôle le respect du code par les crèches mais aussi par « les services qui concourent à la gestion des dits établissements »
    • Le représentant de l’Etat peut, à tout moment, diligenter des contrôles
    • La CAF peut contrôler l’utilisation des fonds donnée par elle. Le champ du contrôle inclut « les autres services de leurs organismes gestionnaires »
    • Les crèches, mais aussi les sièges des gestionnaires, sont soumis au contrôle de l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) et de l’inspection générale des finances (IGF)
    • « Un plan annuel départemental d’inspection et de contrôle des modes d’accueil » est conçu conjointement par le président du conseil départemental, le représentant de l’État, la CAF
    • « Le bilan de la mise en œuvre du plan est présenté chaque année au comité départemental des services aux familles »
    • « Le président du conseil départemental et la CAF s’informent mutuellement des décisions qu’ils prennent et des actions qu’ils conduisent. Ils communiquent aux autorités organisatrices de l’accueil du jeune enfant ces décisions ainsi que les résultats des contrôles »
    • Les crèches et leurs sièges « transmettent chaque année à la CAF des documents de nature comptable et financière… »
    • Les crèches, privées et publiques, « doivent publier des indicateurs relatifs à leur activité et à leur fonctionnement »
  • Une série de sanctions est prévue :
    • Injonction, « obligation d’affichage de l’injonction à l’entrée de l’établissement », désignation « d’un administrateur provisoire pendant un délai maximum de 6 mois », « prononciation d’une astreinte journalière d’un montant maximum de 1000€ », « interdiction de gérer tout nouvel établissement d’accueil pendant une durée déterminée », « prononciation d’une sanction financière d’un montant maximum de 5% du CA réalisé en France »       
    • « Les astreintes et les sanctions financières ne peuvent être prises en charge .. par des financements publics »
    • « Suspension ou cessation des activités de l’établissement »
    • « Fermeture immédiate et provisoire de l’établissement »

Les modalités précises d’application et de mise en œuvre de la plupart de ces mesures seront précisées par décret. Beaucoup de travail pour les rédacteurs et beaucoup d’incertitudes encore pour le secteur de la petite enfance.

Car ne l’oublions pas…

… le diable se cache dans le …. décret.

Merci pour vos commentaires. Des articles à suivre décriront les conséquences possibles induits par ces article 10 et 10 bis, dont on n’a pas fini de parler….

Gilbert Mellinger
Fondateur du Réseau Carrousel et Câlins

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