Réponse et questions à Mme Vautrin, Ministre
à la suite de la lettre qu’elle a écrite aux maires
16/02/2025
Madame la Ministre,
Dans votre courrier du 24 janvier 2025 adressé aux maires, vous répondez aux 50 000 signataires des pétitions qui vous alertaient sur les conséquences du décret qualité que vous avez décidé de promulguer sans aucune concertation préalable.
En tant que gestionnaire d’un réseau de micro-crèches, je me permets de répondre à ce courrier en vous adressant 5 questions qu’il vous faudra traiter pour éviter les conséquences désastreuses des mesures que vous semblez avoir décidé de mettre en place.
Vous ne répondez pas au message principal des pétitions : le licenciement, imposé aux gestionnaires, de milliers de titulaires du CAP Petite Enfance en 2026
Pourtant 1 ou 2 professionnelles par micro crèche sont concernées, soit, entre 7 000 et 10 000 salariées. Pourquoi ?
L’interdiction faite à des CAP d’accueillir, seules, 3 enfants pendant environ 30’ par jour, imposera d’avoir, dans chaque équipe de micro crèche, 2 AP (ou 1 AP et 1 EJE), l’une assurant l’accueil du matin et l’autre, le départ du soir.
Il y a en général 4 pro dans une micro crèche. 50% de l’effectif devra donc être soit AP, soit EJE, contre 40% dans les autres crèches. Une nouvelle discrimination.
Pour mémoire, les CAP ont 400h de formation et 2 stages de 7 semaines chacun. Les assistantes maternelles, après 80h de formation, peuvent accueillir, seules, jusqu’à 6 enfants, pendant une dizaine d’heures par jour. Les MAM qui regroupent de 2 à 4 assistantes maternelles peuvent, elles, accueillir jusqu’à 16 enfants, alors qu’il n’y a aucune règle, ni de diplôme, ni bâtimentaires, ni managériales.
Question n°1 : Madame la ministre, les gestionnaires ont droit à une réponse claire :
Allez-vous obliger les gestionnaires à licencier des milliers de CAP pour les remplacer par des AP/EJE qui n’existent pas sur le marché ?
Vous ne dites pas aux gestionnaires comment ils pourront trouver les 15 000 AP/EJE nécessaires
Pour mémoire, l’enquête CNAF de juillet 2022 « pénurie de professionnels en EAJE» a montré que de grands besoins en encadrement ne sont pas couverts :
- 45% des besoins d’AP, soit 3972 postes.
- 17% des besoins d’EJE, soit 1550 postes
En synthèse : il manque déjà 5522 AP/EJE. Les 7 000 – 10 000 qu’il faudra avoir recruté en septembre 2026 se rajouteront à ce chiffre.
Madame la Ministre, les AP ou les EJE, dont nous aurons besoin pour nous conformer à la règlementation, tout simplement, n’existent pas en France !
Question n°2 : Madame la Ministre, les gestionnaires ont droit à une réponse claire :
Comment allez-vous faire pour qu’en septembre 2026, soient sur le marché les 7 000-10 000 AP/EJE, nécessaires à la nouvelle règlementation, qui se rajouteront 5 522 postes professionnels manquants, déjà identifiés par l’enquête de la CNAF ?
Vous suggérez que c’est aux gestionnaires de créer les diplômés !
Vous écrivez dans votre courrier « Il est de la responsabilité des gestionnaires et des employeurs d’accompagner ces professionnels (les CAP et les AP)… et de leur permettre d’acquérir les diplômes et certifications nécessaires… ».
Non, Madame la Ministre, ce n’est pas aux gestionnaires de combler les manquements d’une terrible politique malthusienne de la formation des professionnels. C’est à l’Etat de « créer » les diplômés que nous pourrons alors recruter.
Un exemple : il y a 140 postes de formation d’AP, ouverts en Ile de France pour l’année scolaire qui démarre en septembre 2025. Il y a 1200 micro crèches et seule un minorité s’oriente vers les micro crèches. La grande majorité va vers les hôpitaux, alors que les micro crèches auront besoin dès septembre 2026 de 600 à 800 AP !!!!.
Vous évoquez implicitement le chemin de la VAE (validation des acquis de l’expérience) en faisant endosser la responsabilité de sa mise en œuvre aux gestionnaires. Là aussi, malheureusement, vous nous mettez dans une impasse : le manque de jurys et leur engorgement. Une de nos professionnelles en fin de VAE, attend depuis décembre 2024, sa place dans le jury d’oral de mars 2025. Elle craint de devoir attendre la session de novembre 2025.
Les jurys sont engorgés aujourd’hui, alors que le pire est devant nous : nous devons nous attendre à une flambée de candidats à la VAE parce que ces personnes veulent continuer à travailler dans leur micro crèche. Elles ne le pourront pas, simplement parce que vous ne mettez pas en place les conditions décentes pour qu’elles puissent passer leur diplôme.
Question n°3 : Madame la Ministre, les gestionnaires ont droit à une réponse claire :
Comment allez-vous résoudre en quelques semaines le problème de l’engorgement des jurys de VAE pour que nos professionnelles puissent passer leur diplôme ?
Vous mettez en avant la « générosité de l’Etat » dans l’aide au financement des micro crèches
Madame la Ministre, les gestionnaires vous suggèrent de vous informer sur la situation financière catastrophique dans laquelle la « générosité de l’Etat » a mis leurs micro crèches.
Des centaines ont déjà déposé le bilan, privant la France d’emplois et de places d’accueil. Des centaines sont en grave difficulté.
Vous comprendrez alors que le chiffre de 22 000€ que vous mentionnez, soit, est faux, soit, est insuffisant. Pour mémoire, le taux horaire maximum des micro crèches a baissé de 16,6% en 10 ans, alors que le SMIC a augmenté de 24.7% et les loyers (indice ILC) de 26%.
Question n°4 : Madame la Ministre, les gestionnaires ont droit à une réponse claire :
Quelles sont les mesures que vous allez prendre pour rendre viables, financièrement, les micro crèches ?
Vous affirmez que ces mesures visent à améliorer la qualité de l’accueil et l’attractivité des métiers.
La qualité est le souci permanent des gestionnaires, privés ou publics. Nous ne comprenons pas comment remplacer une CAP expérimentée par une AP/EJE, qui n’existe pas, va augmenter la qualité et l’attractivité des métiers de la petite enfance.
L’attractivité des micro crèches est soulignée dans les rapports IGAS que vous mentionnez. Le modèle de la micro crèche est préféré par les professionnelles. Ci-dessous les extraits qui en attestent :
- “L’analyse des questionnaires et des données sociales ne permet pas d’objectiver un différentiel significatif de qualité de l’accueil entre les micro-crèches et autres EAJE” (p1, p21).
- « Les réponses aux questionnaires font apparaître des conditions matérielle d’accueil déclarées par les salariées comme meilleures en MC (Annexe 5 p21) ».
- « Les professionnels en MC s’estiment mieux informés de la conduite à tenir en cas de survenue de maltraitance (Annex5 p26) ».
- « Les répondants des micro-crèches déclarent avoir d’avantage la possibilité d’accorder individuellement à chaque enfant l’attention et le temps dont il a besoin (Annexe 5 p26) ».
- “L’analyse des données sociales ne permet pas d’attester un différentiel de “bien-être” des salariés entre micro-crèches PAJE et autres crèches privées” (p21, annexe 5 p11).
- « La qualité du management et du travail d’équipe, vue par les professionnels, est déclarée meilleure en MC (Annexe 5 p23).
Question n°5 : Madame la ministre, les gestionnaires ont droit à une réponse claire :
En quoi licencier des milliers de CAP et ne pas pouvoir les remplacer, augmente-t-il la qualité de l’accueil et l‘attractivité du secteur de la petite enfance, alors que le rapport IGAS souligne la préférence des professionnelles pour les micro crèches ?
Vos réponses à ces 5 questions, Madame la Ministre, sont cruciales. Elles permettront aux gestionnaires de comprendre votre insistance à mettre en danger 7 000 micro crèches et dans une totale incertitude leurs salariés et les parents qui leur confient leur enfant.
Dans l’attente de vos réponses, veuillez agréer, Madame la Ministre, nos plus respectueuses salutations.
Gilbert Mellinger