Le référentiel de la qualité d’accueil des jeunes enfants
Projet
IGAS septembre 2024
Un travail remarquable !
Une tranquille révolution qui aura besoin de beaucoup de temps !
Le 1° septembre 2023, Madame Aurore Bergé, alors Ministre des Solidarités et des Familles avait adressé à l’IGAS une lettre de mission, à travers laquelle elle mandatait cet organisme pour :
« l’élaboration de référentiels de pratiques professionnelles et organisationnelles »
ainsi que
« l’identification d’un socle commun de compétences pour
l’ensemble des intervenants de la petite enfance ».
La lettre de mission précisait que les référentiels devaient être « largement inspirés des principes de la Charte Nationale pour l’accueil du jeune enfant ». Il doit s’appliquer à l’accueil individuel, très largement majoritaire en France (2/3 des places) et à l’accueil collectif (1/3 des places).
La 2° version du référentiel a été communiquée début septembre 2024 pour lecture et commentaires. Le travail est en cours.
Le résultat, dans la version de juillet 2024, est tout simplement remarquable !
Remarquable par sa philosophie
Le référentiel fait en permanence référence à la Charte Nationale pour l’accueil du jeune enfant, dont il devient réellement la déclinaison opérationnelle.
« Avant », la Charte était une liste de bons principes que personne ne contestait mais qui ne trouvait pas vraiment sa déclinaison au quotidien.
« Après », la Charte devient une vraie boussole pour la gestion des modes d’accueil du jeune enfant, grâce à une puissante déclinaison opérationnelle des grands principes de la Charte.
Remarquable par sa structuration
Simple à aborder, le document est articulé autour de 2 grands thèmes, eux-mêmes, déclinés en sous-thèmes :
- La qualité des pratiques
- La relation au jeune enfant
- La relation aux parents
- La qualité organisationnelle
- Les conditions de travail
- L’inclusion de tous les enfants et de toutes les familles
- La qualité environnementale
Chaque chapitre est organisé de la même manière :
- Le rappel de 1 ou 2 principes de la Charte
- L’exposé théorique et la description de ce que ce ou ces principes impliquent
- Les « pratiques associées », la déclinaison et la mise en œuvre au quotidien de la théorie exposée.
L’approche est à la fois didactique, opérationnelle et pragmatique. Elle aboutit, chapitre après chapitre, à la description des bonnes pratiques et de leur mise en œuvre au quotidien, au service de l’enfant et de ses parents.
Remarquable par son universalité
Tous les modes d’accueil sont concernés.
Les principes développés ont valeur universelle et doivent être déclinés de manière homogène dans tous les environnements d’accueil : individuel et collectif.
Les parents sont largement impliqués : ils sont invités, au même titre que les professionnels, à s’exprimer sur le référentiel qualité.
Je relève que, pour la première fois dans un document de cette importance, le syndrome du bébé secoué (SBS) n’est plus passé sous silence. Le SBS est un drame qui continue à coûter la vie à des dizaines de bébés tous les ans dans l’accueil individuel (un meurtre, le dernier répertorié, a été commis le 10 septembre 2024, à Massy, Essonne, au domicile d’un assistante maternelle).
Dans le chapitre « La prévention des maltraitances p104 », le référentiel qualité prévoit une « sensibilisation spécifique à la prévention du secouement du bébé », sensibilisation qui doit être assurée par « les RPE PMI et directions ».
Remarquable par son contenu
Un contenu qui couvre, en une centaine de pages, l’ensemble des aspects de l’accueil du jeune enfant. Ce que l’enfant doit et ne doit pas vivre au quotidien.
Le contenu décrit le rôle de chacun, des professionnels jusqu’à la demie douzaine de ministères concernés en passant par les directrices, les gestionnaires et les autorités communales et départementales, les PMI, les RPE (Relais Petite Enfance) et les CAF.
Remarquable par sa genèse et son ouverture à des possibilités d’améliorations successives à venir
Au départ, il y avait 7 groupes de travail regroupant 200 personnes, dont beaucoup de professionnels « terrain ». Le travail produit a été soumis à un comité scientifique afin de « le préciser et le renforcer à l’aune des connaissances scientifiques actuelles ».
Le futur référentiel sous sa forme de « pré-référentiel » fait actuellement l’objet d’une large diffusion avec « pour objectif de recueillir la perception des différents acteurs de la petite enfance et de parents d’enfants de moins de 3 ans : le pré-référentiel est-il compréhensible, complet, faisable… ? Il s’agit également de recueillir des exemples de pratiques ou de situations qui illustreront le référentiel ainsi que des ressources utiles. Il s’agira également d’alléger ou préciser certaines parties, compléter d’autres, etc. »
Chacun, peut apporter sa contribution à la construction de ce qui constitue, déjà, une vraie révolution dans le monde de la petite enfance.
Le référentiel sera testé, il bouleversera les pratiques dans toutes les organisations, accueil individuel et accueil collectif, PMI, CAF, mairies, RPE, ministères…
Le référentiel constitue un immense défi
Des dizaines de milliers de personnes devront changer leur façon d’opérer, les projets d’établissements devront être repensés, les règlements intérieurs devront être revisités, de nouveaux outils devront être mis en place, la coopération entre professionnels d’un même établissement devra devenir réalité, les lieux d’accueil, privés et publics, individuels et collectifs, devront sortir de leurs murs et coopérer entre eux, animés par « l’autorité organisatrice », les écoles et les CFA devront revoir tous leurs programmes, la formation des professionnels en place devra être systématisée…
Vraiment enthousiasmant, même s’il y a aussi des bizarreries que la pratique permettra certainement de corriger.
En effet….
Difficile pour les micro-crèches, de mettre en place une « organisation dans laquelle chaque enfant a un adulte référent de manière durable » p21.
Difficile pour les micro-crèches, de faire en sorte « que les tâches d’entretien et de préparation des repas soient confiées à d’autres personnes que celles qui s’occupent des enfants » p22.
Difficile pour les PMI de développer « une offre de services de soutien à la qualité d’accueil, conduite par une équipe pluridisciplinaire », dont elle devra se doter. p81.
Difficile, pour l’autorité organisatrice, de mettre en place des professionnels volants capables d’intervenir dans toutes les structures de la commune, privées et publiques : « les groupements d’employeurs sont encouragés pour constituer un pool de remplaçants. Les établissements hors réseau collaborent avec les autorités locales pour accéder à des personnels volants mutualisés » p85.
Difficile pour les PMI d’organiser les remplacements des assistantes maternelles par la « création de postes d’assistantes maternelles attachées à un organisme public : créer des postes d’assistantes maternelles (AM) affiliées à des organismes publics tels que le département, la PMI, ou une collectivité » p88.
Difficile pour tous les acteurs de mettre en place cette révolution sans la planifier dans le temps : certaines mesures ne nécessiteront que des adaptations de l’existant, d’autres mettront des années à être comprises, améliorées et mises en place. Ne serait-ce que parce qu’elles vont se heurter au mur de l’absence de personnel qualifié.
Le travail n’en reste pas moins remarquable.
Il implique des changements en profondeur. Il faudra des années pour la mise en œuvre d’un projet aussi lourd et structurant au niveau de tout un pays qui touche tant de personnes.
Remarquable et difficile, le référentiel qualité recèle aussi, dans sa version de juillet 2024, quelques faiblesses. Pour n’en citer que deux :
- L’absence de dates et d’étapes pour son déploiement
- L’absence de financement pour les surcoûts générés aux EAJE, par exemple, les jours de fermeture pour les temps de réflexivité qui ne devront pas être factures, la suppression du plastique, la végétalisation des espaces extérieurs…
Espérons que ces lacunes seront corrigées sous l’impulsion du nouveau ministre que nous attendons…. Le 5° en 4 ans !
Le référentiel qualité est certainement la boussole qui manquait à tout l’éco système de la petite enfance.
En l’état, le travail fait, constitue déjà une révolution au service du jeune enfant, de ses parents et des professionnels.
La mobilisation de toute une profession et de son environnement est indispensable à la réussite de ce formidable projet.
Il revient à chacun de contribuer à l’enrichir à travers ses apports.