17 Nov 2023

La loi sur le plein emploi est votée ! Le Service Public de la Petite Enfance est lancé !

14/11/2023

…. Avec bien des bizarreries dans les article 10 et 10bis, ceux qui concernent la petite enfance

La loi sur le plein emploi a donc été votée le14 novembre  2023 : 190 voix pour, 147 voix contre. Elle est adoptée, après le vote favorable du sénat enregistré le 9 novembre 2023.

L’objectif : 5% de taux de chômage en 2027. Des mesures centrales, la création de France Emploi, par exemple et des mesures périphériques pour faciliter l’atteinte de cet objectif, notamment les articles 10 et 10bis qui concernent directement l’accueil du jeune enfant, un univers dont l’importance est magnifiquement reconnue dans cette loi.

Les bizarreries de l’article 10bis

L’article 10bis comporte une longue liste de mesures. 2 d’entre elles sont étranges, surtout quand on les confronte à l’objectif qui leur est assigné :

« Dans un objectif d’amélioration continue de la qualité…… »

Il s’agit de la fréquence des contrôles et de l’obligation de renouvellement de l’autorisation.

La fréquence des contrôles : tous les 5 ans

Art 10 bis

« Art. L. 2324-2-4. – I. – Les établissements et les services d’accueil des enfants de moins de six ans mentionnés au premier alinéa de l’article L. 2324-1 du présent code font l’objet, tous les cinq ans, d’une évaluation, sur le fondement des référentiels mentionnés au dernier alinéa du II de l’article L. 214-1-1 du code de l’action sociale et des familles.

La #FESP (La Fédération des Entreprises de Services à la Personne) avait demandé un contrôle annuel.  La PMI, en Essonne, contrôle les crèches privées tous les 2 ans. Le rapport flash présenté le 8 novembre 2023, par 2 députées Mmes #Michèle Peyron et #Isabelle Santiago, préconise un contrôle tous les 3 ans.

L’art 10bis « améliore » ces pratiques et recommandations en imposant un contrôle tous les …..  5 ans !!!

On a du mal à suivre.

Les rédacteurs de l’article ont d’ailleurs dû relever l’incongruité de cet objectif de qualité, puisqu’ils ont enlevé la mention « Dans un objectif d’amélioration continue de la qualité…… » dans la version finale de l’Art. L. 2324-2-4. – I..

L’autorisation d’exploitation d’une crèche doit être renouvelée tous les 15 ans

« Art. L. 2324-1-1. – L’autorisation pour les établissements et les services mentionnés au premier alinéa de l’article L. 2324-1 est accordée pour une durée de quinze ans, renouvelable dans des conditions définies par décret. (art 10 bis)

La procédure de renouvellement devra être mise en place au plus tard avant le 1° janvier 2035 pour les établissements existants à novembre 2023, tous les établissements, privés et publics : 18000 crèches !

Avec une immense incertitude : sur quels critères les autorisations chargées du renouvellement sont-elles octroyées, notamment concernant les locaux ?

« Les conditions dans lesquelles les règles relatives à l’aménagement et aux locaux de ces établissements… s’appliquent, sont fixées par décret »

Quel est l’intérêt du principe de renouvellement des autorisations dans la petite enfance ?

Un document de travail de la DGCS répond à la question :

« La limitation dans le temps de l’autorisation des EAJE garantira un regard régulier par le conseil départemental sur le fonctionnement des établissements. »p9

Si tel était le cas, ce serait dramatique : « un regard régulier tous les 15 ans » montrerait le total désintérêt du Conseil Départemental pour les EAJE. Heureusement qu’il n’en n’est rien : les PMI qui dépendent du Conseil Départemental et qui instruisent les dossiers d’autorisation sont à la manœuvre au moins tous les 2 ans.

L’objectif est donc totalement discutable !

Il ne prend vraiment de sens que parce que les contrôles ne sont faits que tous les 5 ans. Une fréquence trop faible qui ne peut certainement pas servir la qualité.

Seule une augmentation de la fréquence des contrôles ( 1 fois par an. ??) peut permettre d’atteindre cet objectif de qualité.

Une règle discutable, donc, mais qui a bien d’autres conséquences lourdes et très préjudiciables pour les familles, les salariés et les gestionnaires.

5 questions techniques liées à la limitation dans le temps des agréments

Les contrats d’accueil des familles dans les crèches

Dans l’année du renouvellement, le gestionnaire ne pourra pas arrêter d’accueillir des enfants au prétexte qu’un audit de renouvellement d’agrément va être engagé : il ne pourrait plus assumer ses charges d’exploitation. L’activité s’arrêterait et, paradoxalement, l’audit de renouvellement deviendrait sans objet.

Il devra donc continuer à conclure des contrats d’accueil, en général d’un an. En cas de non-renouvellement de l’agrément, il sera engagé contractuellement avec des familles auxquelles il ne pourra plus apporter la prestation.

Un grand risque de contentieux : on pourra, entre autres, lui reprocher d’avoir conclu des contrats qu’il n’était pas sûr de pouvoir honorer et pour cause.

Il pourrait évidemment dire aux familles que l’accueil des enfants est susceptible de s’arrêter en cours de contrat. Quels sont les parents qui s’engageraient dans ces conditions ?

Terrible cercle vicieux dont le gestionnaire ne pourra pas sortir et dont les parents feront les frais.

Les contrats de travail des salariés de crèches

Au moins 3 questions simples vont se poser :

  • Comment le gestionnaire va-t-il expliquer à son équipe qu’elle pourra bientôt ne plus avoir de travail ?
  • En cas de démission d’une salariée au cours de l’année du renouvellement, comment le gestionnaire pourra-t-il recruter ? En expliquant que sa crèche pourrait bientôt être fermée ? En cherchant un CDD, tout en sachant qu’il n’y a peut-être pas de perspective pour le salarié. Pire, en ne recrutant plus, car lui-même est dans l’incertitude, le tout au détriment des enfants.
  • En cas de non renouvellement, qui prendra en charge les dépenses liées aux licenciements de l’équipe ?

Dans tous les cas, la création de situations très compliquées, sans aucun avantage pour personne.

La durée des baux pour les crèches

Ils sont en général du type 3-6-9. L’audit de renouvellement se ferait sans doute dans la quinzième année. Un nouveau bail d’au moins 3 ans serait alors déjà engagé.

Dans l’hypothèse d’un non-renouvellement de l’agrément, le gestionnaire se trouverait dans une situation extrêmement délicate :

  • Une crèche aménagée avec la mobilisation de lourds investissements
  • Un personnel présent qu’il faudra licencier
  • Un bail dont il restera au moins 1 ou 2 ans à courir avant son terme.
  • Des loyers à payer, sans recettes.
  • Un grand risque de faillite personnelle du gestionnaire qui est parfois caution sur le paiement des loyers.

Les critères pour obtenir le renouvellement de l’agrément de l’exploitation des crèches

Ces critères sont un élément crucial. Ils seront précisés par décret :

« Le calendrier et les modalités de mise en œuvre de ce premier renouvellement, notamment les conditions dans lesquelles les règles relatives à l’aménagement et aux locaux de ces établissements et services d’accueil du jeune enfant s’appliquent, sont fixés par décret. » (art 10 bis $55)

Les règles bâtimentaires les plus actuelles sont récentes (2021). Les crèches municipales les plus anciennes ont plus de 50 ans d’âge. Certaines ont sans doute connu des travaux de rénovation ou de rafraichissement.

Certaines…..

Le rapport Igas (mars 2023) cite une enquête de la DGCS (2022) qui relève que « près de 36 % (des PMI) déplorent l’état de vétusté des bâtiments, l’insuffisance d’entretien et les conditions d’hygiène des locaux. »

36% des anciennes crèches sont vétustes. On parle de milliers d’établissements !

Que vont devenir ces crèches après l’enquête de renouvellement ?

Seront-elles rénovées ? D’où viendront les fonds ? La CAF prendra-t-elle en charge ces travaux ? Probablement des dizaines de millions d’euros. Cela se fera-t-il au détriment des créations de crèches ?

Ou seront-elles fermées ?

La même question va se poser sur l’existence ou non d’un espace extérieur, devenu obligatoire depuis 2021. Ces crèches devront-elles fermer ?

Il y a clairement un grand risque de voir disparaître des milliers de places d’accueil, alors que dans le même temps, jusqu’en 2035, l’objectif est de créer 200 000 places !!!

Comment ces 2 objectifs contradictoires pourront-ils être réconciliés ?

Sauf à créer des règles d’exception. Alors, pourquoi mettre des règles ?

Qui est concerné par les contrôles réguliers : crèches et/ou MAM ?

Tout le travail en cours, toutes les recommandations concernent les crèches. Aucune mention n’est faite des assistantes maternelles et des MAM (maisons d’assistantes maternelles).  Alors que chaque enfant, chaque parent a un légitime droit à un accueil de qualité, d’autant que les MAM peuvent accueillir jusqu’à 16 enfants.

Il serait naïf de supposer que dans l’accueil individuel et dans la variante collective de l’accueil individuel, les MAM, il y en a 3500, la qualité soit acquise. Des contrôles, avec la même fréquence que dans les crèches sont tout aussi indispensables.

Les MAM seront-elles soumises aux mêmes règles bâtimentaires, de renouvellement, de contrôle, d’encadrement que les crèches ? Ou laissera-t-on des centaines d’enfants être accueillis dans des lieux qui ne respectent aucune règle, puisque aucune règle n’existe à ce jour ?

Nous ne pouvons donc que souscrire à la demande, là aussi faite par la #FESP :

« Sur le périmètre des acteurs concernées par les mesures envisagées en termes de contrôle et qualité, il est indispensable que tous les acteurs qui relèvent de l’autorité des PMI soient expressément inclus par ces démarches. A ce titre, toutes les mesures évoquées doivent être opposables aux Assistants maternels et Maisons d’assistants maternels afin de garantir un objectif de qualité renforcée au sein de tous les modes d’accueil. p1-2 »

Cette demande est d’ailleurs, d’une certaine façon, relayée par les rédacteurs du rapport flash mentionné plus haut :

« En effet, bien qu’accueil individuel, leur fonctionnement, de fait, s’apparente malgré tout à de l’accueil collectif, en échappant toutefois aux normes requises à l’ouverture d’un EAJE. Il apparaît ainsi nécessaire

de mieux les encadrer. » p38

La recommandation 39 du rapport flash va directement dans ce sens

Recommandation n° 39 : les rapporteures recommandent d’encadrer davantage le recours aux maisons d’assistants maternels (MAM), notamment en adoptant à leur égard des normes d’encadrement prenant en compte l’accueil simultané de jeunes enfants.

Une première que je ne peux m’empêcher de saluer.

*

Pour beaucoup, ces articles 10 et 10 bis, marquent le début d’une aire nouvelle. Pourtant, il est légitime de s’interroger sur ces « bizarreries » dont les conséquences vont contre l’intérêt de l’objectif poursuivi.

Il est tout aussi légitime de se demander pourquoi nos parlementaires n’ont pas vu ces problèmes ? Seront-ils corrigés par les décrets ?

A suivre…..

 

Gilbert Mellinger
Fondateur du Réseau Carrousel et Câlins


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