La « Charte Nationale pour l’Accueil du Jeune Enfant » décrit « 10 grands principes pour grandir en toute confiance ».
Depuis l’ordonnance des « Services aux Familles » du 19 mai 2021, la Charte Nationale pour l’Accueil du Jeune Enfant est une référence commune à tous les modes d’accueil du jeune enfant, assistants maternels, crèches, gardes d’enfant à domicile. Cette règle est décrite à l’article L214-1-1 du Code de l’action sociale et des familles.
Le principe 10 de la Charte porte sur la formation :
« J’ai besoin que les personnes qui prennent soin de moi soient bien formées et s’intéressent aux spécificités de mon jeune âge et de ma situation d’enfant qui leur est confié par mon ou mes parents. »
C’est donc, sans surprise, que Mme Borne, 1° ministre, dans son discours du 1° juin 2023 à Angers, a rappelé l’importance de la formation initiale et continue pour tous les acteurs de la petite enfance.
« Pour répondre aux tensions de recrutement, nous devons également former plus et mieux, et c’est pourquoi la formation initiale et continue sera renforcée ».
Le rapport IGAS de mars 2023 n’est pas en reste quand il donne une piste intéressante dans sa « Recommandation n°22 » :
« Mieux prendre en compte le temps hors enfant en imposant a minima une fermeture anticipée hebdomadaire, une journée pédagogique à chaque temps de vacances scolaires, et un minimum d’une séance mensuelle d’analyse de la pratique par professionnel. IGAS. »p67.
Le même rapport insiste et indique que :
« Un effort massif en faveur de la formation des diplômés… est à produire pour pallier la pénurie de professionnels et accompagner la création de places nouvelles. » p60
Les rédacteurs du rapport font aussi un constat alarmant et posent la question du « niveau de qualification plancher » pour garantir un accueil qualitatif… :
« Au regard de ces constats, comme de la complexité et de la technicité des compétences requises pour accompagner des enfants dans une période déterminante pour leur avenir, il parait légitime de poser la question du niveau de qualification plancher pour garantir un accueil qualitatif d’enfants de moins de 3 ans; niveau qui, de l’avis quasi-unanime des professionnels interrogés, ne semble pas garanti par le CAP AEPE, malgré sa récente réforme. Ainsi, un responsable de crèche sur cinq répondant au questionnaire diffusé par la mission considère la formation initiale des CAP AEPE comme adaptée IGAS. » p59
En particulier :
« les compétences et savoir-faire des professionnels titulaires d’un CAP AEPE se révèlent encore insuffisamment étayés, notamment dans l’appréhension des problématiques de bientraitance/maltraitance qui ne sont pas explicitement abordées par la formation. »p58
Ce constat est fait, malgré un temps « long » de formation.
« Ainsi, le contenu pédagogique de la formation au CAP AEPE s’articule autour de 609 heures d’enseignement général et professionnel structurées et complétées de 14 semaines de stage dans deux milieux professionnels distincts. » p58
Le rapport fait un autre constat, inquiétant :
« Les exigences de qualification des professionnels des EAJE sont élevées au regard de l’accueil individuel. »p47.
Si les formations de nos CAP sont insuffisantes, elles sont malgré tout « élevées au regard de l’accueil individuel ». Les rédacteurs du rapport ont raison. Ci-dessous les temps de formation requis avant de pouvoir s’occuper d’enfants :
80 heures + 40 heures dans les 3 ans
Contre :
609 heures pour un CAP Petite Enfance
1570 heures pour une Auxiliaire de Puériculture
A l’issue de la première période de 80 heures, l’assistante maternelle peut accueillir 3 ou 4 enfants à son domicile. Précisons que son programme de formation ne fait état, ni de la « Charte Nationale pour l’Accueil du Jeune Enfant », ni d’une quelconque préparation aux problématiques de bientraitance/maltraitance.
Le rapport IGAS constate aussi que dans les crèches :
« Les temps de réflexion collective, de prise de recul sur les pratiques et de formation continue sont insuffisants IGAS. » p26.
Ces temps de réflexion n’existent pas chez les assistantes maternelles, seules, à leur domicile, pour la plupart d’entre elles.
Or les enfants, quel que soit le mode d’accueil choisi par leurs parents, ont droit au même niveau de qualité d’accueil, laquelle qualité d’accueil est, en grande partie, le reflet de la formation initiale et de la formation continue.
La Charte s’applique à tous les modes d’accueil ! l’article L214-1-1 du Code de l’action sociale et des familles.
Que penser alors, de ce gigantesque écart de formation, initiale ou continue, entre accueil individuel et accueil collectif, avec son corollaire une qualité d’accueil forcément inégale au regard du droit de l’enfant à une qualité d’accueil homogène ?
Rappelons qu’un plan de création de 200 000 places d’accueil a été lancé par le gouvernement. Ces 200 000 places sont réparties à raison de 112 000 dans les crèches et 88 000 chez les assistantes maternelles.
Aucune mesure n’est annoncée pour assurer une meilleure formation initiale de ces nouvelles assistantes maternelles.
Ces écarts de formation, de connaissances et, partant, de qualité d’accueil, vont donc perdurer.
Pourtant, le rapport IGAS insiste :
« Le niveau de qualification des professionnels et leur engagement dans un processus régulier de formation continue constituent des facteurs centraux de la qualité. IGAS p5
Difficile de ne pas être d’accord avec ce postulat de l’IGAS que je reformule :
Mieux les personnes sont formées, au départ et durant leur vie professionnelle, Mieux la qualité de l’accueil est assurée !
Et si on accepte les constats fait par l’IGAS dans son rapport de mars 2023, force, aussi, est de conclure que nous avons, en France, 840 000 enfants accueillis par les assistantes maternelles, dont la qualité d’accueil est très inférieure à celle dont bénéficient les 470 000 enfants accueillis en crèche.
Peut-être un début d’explication à tous les meurtres d’enfants commis dans l’accueil individuel ! Les milliers d’assistantes maternelles qui font consciencieusement leur travail ne sont pas en cause. C’est le système qui est en cause : huis clos entre 1 adulte et 3-4 enfants et formation insuffisante.
En tout cas, on est loin de l’objectif assigné dans le volet qualité du service public de la petite enfance (p4).
« garantir à tous les parents une offre d’accueil collectif ou individuel de qualité… »
Que penser, également, des chances de réussite de ce défi :
« L’horizon dessiné par le service public de la petite enfance nous donne l’occasion et la responsabilité collective de relever ensemble ces défis » (volet qualité du service public de la petite enfance p4).
On peut douter, mais pourquoi pas ? A condition de traiter les vrais problèmes, ceux qui concernent l’accueil de 840 000 enfants !
Peut-être en créant une vraie formation pour l’accueil individuel, sanctionnée par un diplôme d’Etat. On sera très loin du simple agrément obtenu à la va vite, en quelques semaines. Evidemment, cela freinera peut-être le flux, déjà faible, de candidats.
C’est tout le dilemme.
A quand un rapport IGAS pour l’accueil individuel ?
Gageons qu’il recommandera :
Une formation initiale plus longue, avec plus de contenu
Une formation continue plus étoffée et de l’analyse de la pratique régulière et obligatoire.
Gilbert Mellinger Fondateur du Réseau Carrousel et Câlins
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Prochain épisode, le 04/09/2023 : Bébés secoués. La violence inavouable : qui est responsable ?
Et les autres épisodes à venir :
Limiter dans le temps les agréments des crèches ! Bonne ou mauvaise idée ?
Lettre ouverte à Madame Aurore Bergé Ministre des Solidarités
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