Décret 2025-304, sur les micro-crèches.
Décret 2025-304, sur les micro crèches
Gouvernement 1 – Gestionnaires 0
Le match n’est pas terminé !
Le décret 2025-304 du 1er avril 2025 « relatif aux autorisations de création, d’extension et de transformation des établissements d’accueil de jeunes enfants et à l’accueil dans les micro-crèches » est la suite de la « loi 2023-1196 du 18 décembre 2023 pour le plein emploi ».
Madame la Ministre a cru bon devoir le signer, sans aucune concertation préalble, malgré les mises en garde des fédérations professionnelles sur les milliers de licenciement qui en seront la conséquence, malgré la journée crèche morte organisée par des centaines de micro crèches dans la semaine du 3 février 2025, malgré les plus de 50 000 signatures des pétitions qui décrivaient avec précision les suites délétères de ce décret.
Madame la Ministre a pris ses responsabilités. Dont acte.
Gouvernement 1 – Gestionnaires 0
La bonne nouvelle : le match n’est pas terminé.
Le cadre juridique des décrets d’application est très précis. Il contient, notamment, le principe de spécialité qui prévoit qu’un décret ne peut régir que les matières expressément déléguées par la loi.
C’est ainsi que l’article 18 de la loi du 18 décembre 2023 autorise le gouvernement à préciser par décret :
- Les conditions de renouvellement des autorisations des EAJE
- Les modalités de contrôle et les sanctions administratives
Le gouvernement peut parfaitement, par décret, détailler des aspects procéduraux et techniques non abordés dans la loi, conformément à sa mission d’application. Il en est ainsi, par exemple :
- De la liste exhaustive des pièces à fournir pour les demandes d’autorisation : adresse, capacité d’accueil, superficie….
- Des procédures de modification/extension des EAJE : délais, seuils déclenchant une nouvelle autorisation..
- Des règles de substitution du gestionnaire : dossier de cession, vérification des garanties …
Des dispositions illégales
En revanche, il en va tout autrement quand le décret introduit des dispositions non prévues par la loi, soulevant des questions de légalité :
- La création de la règle des 50%: dans une micro crèches, 2 professionnelles sur 4 doivent être titulaires d’un diplôme d’Etat, soit 50% de l’effectif. Ce quota spécifique et son application immédiate dès septembre 2026 dépassent le cadre législatif initial, qui ne fixait pas de pourcentages contraignants.
- La création de nouvelles catégories administratives. Il distingue extension, transformation et modification des EAJE, avec des régimes juridiques différenciés (autorisation préalable vs simple information)1. La loi ne prévoyait pas cette classification tripartite.
- Les pouvoirs élargis du président du conseil départemental: le décret permet au président de refuser une modification si elle compromet “l’éducation des enfants”, notion absente de la loi qui visait seulement la “santé, sécurité et bien-être”.
Mais aussi :
- La suppression du « référent technique » au profit de celle de « directeur » ou de « responsable technique » et l’exigence d’un 0,5 équivalent temps plein (ETP) dédié à la direction par micro-crèche. Cette redéfinition des rôles et du temps de travail n’était pas prévue par la loi de 2023, qui se contentait d’évoquer une « gestion responsable » sans précision quantitative
- L’interdiction de diriger plus de deux micro-crèches par une même personne. La loi de 2023 ne fixait pas de plafond. Cette restriction constitue une mesure réglementaire excédant l’objectif initial de lutte contre la marchandisation du secteur.
Des dispositions qui constituent un abus de pouvoir
- La règle des 50%.
- Cette règle crée l’obligation d’avoir 2 AP (auxiliaires de puériculture) par micro-crèche. Cette obligation forcera les gestionnaires à licencier environ 8000-9000 CAP et à les remplacer par autant d’AP qui n’existent pas sur le marché.
- L’abus de pouvoir est caractérisé par :
- L’impossibilité matérielle de respecter l’obligation
- La disproportion entre l’objectif visé et les moyens imposés.
- L’interdiction faite aux titulaires d’un CAP Petite Enfance d’être seuls avec 3 enfants. Ce resserrement des normes d’encadrement n’était pas explicitement prévu par la loi qui visait à améliorer globalement la qualité sans imposer ces restrictions spécifiques.
- Le principe d’égalité devant la loi et de non-discrimination :
- Le décret crée un “régime discriminatoire”, puisqu’il impose aux micro-crèches des règles plus strictes (équivalent à 50% de personnel diplômé) que pour les autres types de crèches (40%).
- En ciblant spécifiquement les titulaires du CAP Petite Enfance, le décret établit une discrimination fondée sur le niveau de qualification, alors même que ces professionnels ont été légitimement formés et recrutés selon les règles en vigueur jusqu’à présent.
- La protection contre les licenciements abusifs et le droit au travail
- Le décret crée une situation où les employeurs seront contraints de licencier des milliers de salariés, non pas en raison de leur compétence ou de leur performance, mais uniquement en raison d’un changement réglementaire concernant les diplômes requis.
- L’État, en modifiant brutalement les règles après avoir permis pendant des années l’exercice de ces fonctions par des titulaires de CAP, crée les conditions d’un licenciement potentiellement abusif. Ce changement réglementaire menace directement le droit au travail des personnels concernés.
- L’absence totale de concertation préalable avec les professionnels, représentants des gestionnaires comme des salariés, constitue clairement un autre cas d’abus de pouvoir.
On le voit, les motifs d’un recours auprès du Conseil d’Etat sont nombreux. Les juristes, dont je ne suis pas, trouveront facilement les arguments (ou corrigeront les miens) pour donner à ce recours toutes les chances de réussir et obliger le gouvernement à revoir en profondeur sa copie.
Les professionnels du secteur n’ont pas dit leur dernier mot et la partie est loin d’être terminée. Gageons que des initiatives sont d’ores et déjà en marche et qu’un recours auprès du Conseil d’Etat est en cours de conception.
Et surtout, qu’on ne dise pas qu’à travers ce recours, les gestionnaires s’opposent a l’amélioration de la qualité dans les micro-crèches. Ils se battent tous les jours pour maintenir un haut niveau de qualité, malgré des moyens sans cesse réduits et des obligations sans cesse plus lourdes.
Ils demandent simplement que les règles qu’on leur impose puissent raisonnablement être respectées.
Le suspens ne durera pas très longtemps : les acteurs ont 2 mois après la publication du décret pour introduire le recours. Nous serons donc fixés au 31 mai au plus tard. Après, il faudra attendre 10 à 18 mois pour obtenir la réponse du Conseil d’Etat….. aux alentours du 1° septembre 2026 !!!! Une simple coïncidence !!!!!…..
Le gouvernement a voulu passer en force. Il s’expose à un brutal retour de bâton.
Les paris sont ouverts :
Gouvernement 1 – Gestionnaires ????
Republiez ! Republiez !