Lettre ouverte à Monsieur le Président de la République

Monsieur Le Président,

Je suis un gestionnaire de crèches et je compte parmi les quelques professionnels de la Petite Enfance qui auront relevé cette partie de votre conférence de presse du 25 avril 2019 qui concerne nos tout petits :

« Les vraies inégalités sont les inégalités d’origine, les inégalités de destin, les inégalités à la naissance. C’est ça les vraies inégalités françaises et qui ne se sont pas améliorées quant à elles. Aussi pour traiter de ce sujet, il faut agir dès la petite enfance. Le gouvernement a commencé à apporter des réponses à travers ce qu’on a appelé le plan pauvretéJe crois qu’il faut aller beaucoup plus loin. Certains États européens nous donnent l’exemple, je regarde la Finlande faire, elle investit massivement dans la petite enfance. Les 1000 premiers jours de vie d’un citoyen français sont décisifs, sur le plan affectif, sur le plan cognitif, c’est là qu’on construit parfois le pire et qu’on peut bâtir le meilleur. Nous devons avoir, construire, imaginer beaucoup plus loin que ce qu’on a fait jusque-là. »

C’est tellement vrai que les inégalités de chance sont tragiquement programmées dès les premiers mois de la vie.

C’est tellement vrai que dans ces 1000 premiers jours de sa vie se forge déjà une grande partie du destin de l’enfant.

C’est tellement vrai que, mis dans un environnement stimulant, l’enfant augmente ses chances. Le contraire, aussi, est tragiquement vrai.

C’est tellement vrai qu’il faut agir dès la petite enfance.

C’est tellement vrai que l’exemple de la Finlande doit nous inspirer, un exemple qui repose le double socle d’un congé parental de 1 an et de l’accueil collectif : les jardins d’enfants pour les enfants de 1 an à 6 ans.

C’est tellement vrai, à l’image de la Finlande dont vous vous inspirez, que l’accueil collectif, la crèche, est l’environnement privilégié qui contribue à gommer les inégalités de chances à la naissance.

Alors pourquoi ?

Pourquoi la COG 2018 (Convention d’Objectifs et de Gestion, contrat de 4 ans entre la CNAF et l’Etat) privilégie-t-elle l’accueil individuel au détriment de l’accueil collectif ?

Pourquoi les prévisions de création de places sont-elles passées de 200 000 (COG 2013) à 30 000 (COG 2018) ? Une baisse de 85% !

Pourquoi laisse-t-on disparaître chaque année 5000 places de crèches (source COG 2018) ?

Pourquoi les micro-crèches qui, seules permettent cette vertueuse combinaison d’une équipe formée, professionnelle et d’un très faible nombre d’enfants sont-elles sacrifiées ?

Pourquoi les micro-crèches ne bénéficient-elles plus des mêmes subventions que les autres crèches,

  • Alors qu’elles constituent le segment le plus dynamique : 2300 créations de micro-crèches contre environ 800 créations de crèches (source COG 2018) ?
  • Alors que seules les micro-crèches permettent la création de lieux d’accueil dans les centres villes ou dans les zones rurales à faible potentiel ?

Pourquoi les PMI conservent-elles le droit d’interpréter les textes ou de créer leurs propres règles, en dehors de toute règlementation, avec pour conséquence des projets qui ne se font pas ou dont la création est retardée ?

Pourquoi les PMI, à cause de la diversité des règles, parfois contradictoires, qu’elles imposent aux porteurs de projets et aux limitations de créations qui en découlent, peuvent-elles aller contre l’objectif qui est assigné, à la fois aux CAF et aux PMI : « Aider les familles à concilier vie familiale, vie professionnelle et vie sociale » ?

Pourquoi les mairies peuvent-elles bloquer les projets de création de crèches au prétexte qu’elles veulent prioritairement assurer du travail aux assistantes maternelles ?

Pourquoi les gestionnaires de crèches sont-ils dans cette anormale situation de non concurrence parce que l’offre de places est tellement loin de la demande et que la première est très loin de pouvoir rattraper la seconde ?

Pourquoi ? Pourquoi ?

Monsieur Le Président, comment doit-on interpréter votre référence à l’exemple finlandais ? Doit-on y voir la recherche d’un nouvel équilibre entre modes d’accueil qui, cette fois-ci, stimulerait d’avantage l’accueil collectif ?

Tous les acteurs de la Petite Enfance sont dans l’attente des conséquences qui seront tirées de « cette petite phrase » que vous avez consacrée à la Petite Enfance. Ils sont à votre disposition pour apporter leur concours à toutes les personnes qui seront chargées de la conception et de la mise en œuvre de ce qui pourra être une nouvelle approche de l’accueil du jeune enfant, stimulatrice de création de places en accueil collectif.

Car, Monsieur Le Président, il manque toujours et encore 300 000 places de crèches, alors que ce mode de garde est privilégié par les parents.

Recevez, Monsieur Le Président, mes cordiales et respectueuses salutations.